#FanmKréol : Marie-Alice Sinaman, une humoriste connectée à son temps


Rédigé le Mardi 22 Avril 2025 à 16:38 | Lu 299 fois modifié le Mardi 22 Avril 2025

Marie-Alice Sinaman revient sur scène avec son spectacle #FanmKréol, une ode à la femme réunionnaise d’aujourd’hui. Entre modernité et tradition, elle aborde avec humour et finesse des sujets de société qui nous touchent tous : l’évolution des générations, le regard sur la communauté LGBTQIA+, le harcèlement ou encore l’impact des réseaux sociaux. Rencontre avec une artiste qui fait rire et réfléchir.



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POURQUOI AVOIR CHOISI UN HASHTAG POUR LE TITRE DE VOTRE SPECTACLE ?

Aujourd’hui, les hashtags sont omniprésents, souvent porteurs de causes importantes : #BalanceTonPorc, #MeToo, #LesPrincessesOntDesPoils (issu de son dernier spectacle)... J’avais envie d’inscrire mon spectacle dans cette dynamique moderne, en phase avec notre époque. La "fanm kréol" d’aujourd’hui est active sur les réseaux sociaux, elle a des comptes sur toutes les plateformes, elle suit l’actualité, elle interagit. Peut-être que ce hashtag deviendra une nouvelle tendance, qui sait ?

QUE RETROUVE-T-ON DANS CE SPECTACLE ?

Le spectacle est sorti l’an dernier et, après une première partie de tournée jouée à guichets fermés, je repars pour une deuxième série de dates : Le Tampon, Saint-Gilles, Champ-Fleuri, Saint-Benoît… Je terminerai en septembre aux "Folies Bergères", comme pour mon spectacle de 2016, Grande, mince, cheveu droite. En première partie, j’aurai le plaisir d’accueillir Vadrame Clair, dont je suis la marraine artistique. C’est un artiste que j’aime beaucoup, bourré de talent, déjà connu du public parisien. J’espère que la diaspora saura l’accueillir comme il se doit. J’ai la chance de travailler avec mes deux auteurs historiques, Thierry Jardinot et Jean-Laurent Faubourg. Ensemble, on puise notre inspiration dans ce qui nous entoure, dans les évolutions de la société et de notre quotidien. Par exemple, étant salariée en entreprise, je suis sensibilisée aux problématiques de harcèlement moral et sexuel, alors j’ai voulu en parler sur scène. J’évoque aussi l’éducation des adolescents – parce que j’ai deux enfants dont une de 12 ans ! – et la manière dont les générations évoluent. Mi lé in fanm de plis de 50 an, alors comment faut-il m’appeler ? "Tatie" ou "Matante" ? Les femmes de 50 ans aujourd’hui ne sont plus celles d’hier. Avant, elles faisaient plus âgées dans leur manière de parler, de s’habiller. Aujourd’hui, elles assument leur âge, elles sont dynamiques, elles sortent, elles se teignent les cheveux, elles se tatouent… Je parle aussi d’une femme mahoraise qui élève l’enfant d’un cousin qu’elle a recueilli et d’une réunionnaise qui a un marmaille du même âge, et du regard de la société sur la communauté LGBTQIA+. Dans toutes les familles, il y a aujourd’hui des personnes LGBTQIA+. Avant, beaucoup partaient en métropole pour vivre librement leur sexualité, car dans la famille, c’était une honte, une malédiction. Aujourd’hui, les choses évoluent. J’ai moi-même officié des mariages entre personnes de même sexe, et voir les parents accompagner leurs enfants dans ces moments-là, c’est très émouvant.

L’HUMOUR PERMET-IL D’ABORDER PLUS FACILEMENT CES SUJETS ?

Oui, l’humour est un formidable vecteur de réflexion. Je me souviens d’une représentation à la Plaine des Cafres où une maman est venue me voir après le spectacle pour me remercier. Son enfant venait de lui faire son coming-out et mon sketch l’avait aidée à mieux comprendre la situation. Le hasard a voulu qu’au même moment, Dimitri Pavadé fasse son coming-out pendant les Jeux Olympiques. Mi koné poukwa mi fé sa, na point d’azar, na ke randevou.

COMMENT FAIRE RIRE EN PARLANT DE HARCÈLEMENT ?

Dans mon spectacle, j’interprète un homme en souffrance. Aujourd’hui, certains hommes ont du mal à saisir la limite entre la drague et le harcèlement. Peut-on avouer son attirance pour un collègue ? Comment ne pas franchir la ligne rouge ? Autrefois, un homme pouvait dire à une collègue qu’elle était jolie sans que cela aille plus loin. Aujourd’hui, ce même compliment peut être perçu différemment. C’est bien qu’on établisse des règles claires, qu’on puisse dire ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Dans mon sketch, le personnage finit victime d’un hashtag, ce qui montre bien à quel point tout cela peut être délicat.

OÙ PUISEZ-VOUS VOTRE INSPIRATION ?

Dans la vie de tous les jours. J’arrive à un âge charnière : préménopause, ménopause, grand-maternité… Nous, les femmes de 50 ans, ne sommes pas encore vieilles, mais nous ne sommes plus toutes jeunes non plus. C’est une période de transition où l’on apprend à composer avec un corps qui change, un regard extérieur qui évolue. Mais c’est la vie ! Et puis, j’ai des amies qui n’ont pas eu la chance d’atteindre cet âge, alors autant le célébrer.

COMMENT LES RÉSEAUX SOCIAUX ONT-ILS CHANGÉ LE MÉTIER D’HUMORISTE ?

Les réseaux ont apporté de la diversité et permis à de nombreux jeunes talents d’émerger, surtout depuis le Covid. Mais peu d’entre eux ont l’occasion de se produire sur scène. Être humoriste, c’est un travail de longue haleine. Moi, ça fait plus de 30 ans que je fais ce métier. La première fois que je suis montée sur scène, c’était en 1990. Mon premier one-woman show est arrivé en 2006, soit 16 ans plus tard ! Aujourd’hui, tout le monde est pressé, mais La pasians i guéri la gal. Les réseaux permettent d’être vu, mais faire rire en vidéo et tenir un public en haleine pendant plus d’une heure, ce n’est pas la même chose. Beaucoup pensent qu’un grand nombre de followers garantit une salle pleine… Ce n’est pas vrai ! Les spectateurs doivent être convaincus d’acheter un billet. Et puis, l’humilité est essentielle. Il faut être bien entouré. Moi, j’ai la même boîte de production depuis des années, les mêmes auteurs. Avec eux, il n’y a pas de susceptibilité. Par exemple, Thierry Jardinot avait écrit un sketch sur la violence faite aux femmes. Ce sujet me touche particulièrement car j’ai perdu une amie victime de violences conjugales. Jouer ce sketch en l’état était impossible pour moi. On l’a donc retravaillé ensemble pour qu’il reste drôle tout en étant porteur de sens.

VOTRE PUBLIC VOUS SUIT DEPUIS VOS DÉBUTS ?

Oui, j’ai des spectateurs fidèles, qui ont grandi avec moi. Il y a des mamans qui me disent : "Vous avez souhaité un joyeux anniversaire à ma fille quand elle était petite, et aujourd’hui elle vient d’accoucher !" Ça fait drôle, mais c’est beau. Et puis, il y a les nouvelles générations. Quand un couple mixte zorey/kréol vient me voir en spectacle et que le zorey demande une traduction d’une blague, mais que son partenaire kréol veut d’abord écouter la fin avant d’expliquer, je me dis que l’humour, ça rassemble vraiment tout le monde.

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