Interview de Philippe Dornier


Rédigé le Jeudi 19 Décembre 2024 à 16:15 | Lu 393 fois modifié le Lundi 23 Décembre 2024

L’envers du décor de la matinale avec Philippe



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Philippe, parlez-nous un peu du concept de la matinale. Comment la vivez-vous et quelle est votre manière de travailler ? 

La matinale, c’est avant tout un travail d’équipe. C’est un exercice qui mêle le sérieux et la rigolade. L’information est parfois lourde, mais on essaie d’alléger l’ambiance, notamment avec Thierry Jardinot. On rebondit sur l’actualité, on la tourne en dérision quand il le faut. Ça crée des moments de respiration qui font du bien. En résumé, c’est un mix de rigueur et de bonne humeur. 
 

Comment choisissez-vous vos invités ? 

Les invités sont choisis en fonction de l’actualité. Il faut de l’anticipation pour prévoir les grands événements à venir. Par exemple, pour la journée du 1er octobre (ndlr : jour de l’interview), on savait depuis longtemps que les syndicats appelaient à la grève. C’est typiquement un sujet qu’on peut planifier et préparer en avance. À côté de ça, il y a l’imprévu : un drame ou une actualité de dernière minute. Dans ces cas-là, on essaie d’être réactifs, quitte à changer d’invité. Mais en général, on est sur des sujets que l’on planifie à l'avance.
 

Combien de temps à l’avance les invités sont-ils bookés ? 

J’essaie de m’organiser le vendredi pour caler le lundi et le mardi. Si ce n’est pas fait, on ajuste à la dernière minute. En général, je planifie pour avoir une visibilité jusqu’à mercredi. Ensuite, on adapte en fonction des imprévus, mais les changements restent rares.Quand on quand on a choisi un sujet, c'est que il est assumé, c'est que c'est aussi un choix éditorial.
 

Comment se prépare une émission comme la vôtre ? 

Les journaux, qui constituent une partie clé de l’émission, sont préparés la veille en conférence de rédaction. On anticipe l’ouverture du lendemain, mais les événements de la journée peuvent chambouler nos plans. Concernant l’invité, je le prépare également la veille, sauf s’il y a un événement majeur le soir même. 
Pour les unes de la presse, c’est le matin même. On s’appuie sur les journaux locaux comme Le Quotidien et des titres nationaux comme Le Figaro, Libération, ou Les Échos. C’est un vrai travail d’adaptation. 

 

Y a-t-il des sujets que vous évitez ? 

Aucun tabou. L’actualité va du social à la politique, en passant par la vie quotidienne. On traite de tout, même des sujets insolites, comme les boutiques lontan. Les réseaux sociaux nous aident aussi à identifier les sujets qui captivent le public. Si un sujet fait réagir, c’est souvent un bon indicateur de son intérêt. 

 

Les réseaux sociaux ont-ils changé votre métier ? 

Oui, ils sont devenus une source précieuse d’informations, mais il faut rester vigilant. Par exemple, en cas d’émeutes, les vidéos postées par les habitants peuvent alerter sur une situation. On vérifie toujours la fiabilité des informations avant de réagir. Les réseaux permettent aussi de couvrir des sujets qui auraient pu passer inaperçus, comme des initiatives solidaires ou l’arrivée d’un bateau impressionnant à La Réunion. 

 

Le fait d’être filmé et diffusé à la télé a-t-il changé votre quotidien ? 

Au début, j’étais réticent. Je suis un gars de radio, discret par nature. Mais maintenant, je m’y suis habitué. Être reconnu dans la rue, c’est souvent bienveillant et encourageant. Cela dit, la caméra casse un peu le mystère de la radio, où seule la voix comptait autrefois. 

 

Qu’est-ce qui vous motive à continuer après 30 ans de matinale ? 

L’adrénaline, le contact direct avec les auditeurs. C’est aussi l’équipe avec laquelle je travaille au quotidien. Isabelle Hoareau, Thierry Jardino, Cécille Thomas, Yves Gruyer, Prisca… Franchement, je suis entouré des meilleurs ! C’est une vraie chance, mais sans vouloir trop me vanter de notre équipe, c’est juste une réalité. On a une superbe dynamique, et je pense que ça se ressent à l’antenne. Cette alchimie, cette bonne ambiance, ce n’est pas du tout forcé. On est nous-mêmes, et je crois que les auditeurs apprécient cette authenticité 

 

Le métier a-t-il changé en 30 ans ? 

Oui, il y a eu une vraie évolution. On a dépoussiéré l’image institutionnelle des débuts pour se rapprocher du public. La proximité est devenue essentielle. Aujourd’hui, on est réactifs, on s’adapte et on répond aux attentes des auditeurs. 

 

Avez-vous une anecdote à partager ? 

Alors, je vais raconter une boulette, mais pas la mienne cette fois – même si ça m’arrive aussi, ! Là, c’est une petite boulette récente, rien de grave, mais ça m’a bien fait rire. Isabelle anime un jeu qui s’appelle Casse pas la tête. Ce sont des questions très simples, accessibles à tout le monde, pour que personne ne se sente exclu. Il y a de ça quelques semaines, elle pose une question : Quel est le jeu de société où on peut acheter la gare Montparnasse, le boulevard Floch… ? Là, je la regarde un peu surpris et je lui dis : Boulevard Floch ? Elle me répond : Qu’est-ce que j’ai dit ? Et je répète : Bah, boulevard Floch. Elle éclate de rire et explique qu’elle pensait à notre collègue Fabrice Floch ! Et moi, derrière, sans réfléchir, je balance : Bah, j’ai jamais vu le boulevard Floch dans le Monopoly ! Et là, elle me rétorque : Ben donne la réponse tant que t’y es ! Bref, sans le vouloir, j’avais donné la réponse au jeu en direct. C’est ce qu’on appelle un vrai moment de radio !" 

Que diriez-vous à un jeune qui veut se lancer dans la radio ? 

Soyez prêts à compter vos heures. La radio, c’est trois journées en une : la matinale, la conférence de rédaction, et la préparation des invités pour le lendemain. C’est un métier qui ne s’arrête jamais, mais qui est passionnant. 

 

Est-ce qu’il vous arrive d’avoir des invités qui jouent un peu moins le jeu, par exemple pendant la rubrique de Thierry où tout le monde ne rigole pas forcément ? Sans les nommer, est-ce qu’il y en a qui peuvent être un peu plus difficiles en studio ? 
 

Oui, moi, je vois bien les différentes attitudes. Je suis juste en face de Thierry et de l'invité, et certains sont très attentifs, ils se lâchent et participent pleinement. D'autres, en revanche, semblent un peu ailleurs, comme s’ils n'étaient pas vraiment dans le moment. C’est difficile à décrire, mais parfois, on ressent une sorte d'indifférence, et c’est un peu vexant. Je veux dire, il y a des gens qui rêveraient d’être à côté de Thierry Jardinot et de profiter de cette expérience. 

Après, il y a ceux qui sont super concentrés, presque trop, comme s’ils avaient peur d'oublier leur sujet ou de perdre le fil. Ils sont tout le temps avec leurs notes, leurs fiches, voire un ordinateur portable. C’est un peu dommage, parce qu’ils ratent cette vraie connexion, ce moment partagé. Mais bon, chaque invité a sa propre attitude, et ceux qui sont ouverts et détendus, qui rigolent, sont vraiment les meilleurs moments à vivre. 

 

Un mot pour conclure ? 
La radio, c’est de la réactivité, du partage, et beaucoup de passion. Si vous aimez transmettre et être au cœur de l’actualité, lancez-vous !