Le concept de votre chronique est unique, pouvez-vous nous en dire plus ?
Le concept, c’est une chronique dans laquelle je traite de l’actualité du moment, passée ou à venir. Je choisis les personnages qui vont intervenir en fonction de la thématique, et j’écris donc un texte sur mesure adapté à chaque personnalité. Isabelle, qui joue son rôle avec brio, est un véritable atout pour la rubrique.
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’Isabelle ne connaît pas les réponses que j’ai écrites. Comme les auditeurs, elle les découvre en direct tout au long de la chronique. Elle connaît seulement les questions, qui sont rédigées pour être dites avec une certaine intonation, mais elle ignore tout des réponses. C’est là que naît la surprise : ses réactions sont spontanées et authentiques. Quand elle rit aux éclats ou que ça dérape un peu, tout est naturel, rien n’est joué.
Isabelle et moi nous connaissons depuis très longtemps, il y a une connivence naturelle entre nous, et je pense que c’est aussi ce qui fait le succès de cette chronique.
Combien de personnages avez-vous aujourd’hui dans cette rubrique ?
Il doit y avoir une trentaine de personnages, politiques inclus. J’ai récemment expérimenté l’intelligence artificielle (IA) pour faire parler le président Macron en créole. C’était un travail assez compliqué, car si l’IA peut m’aider, elle ne reproduit pas les intonations, le phrasé ou la mélodie de la voix. Cela dit, intégrer une intervention du président qui s’exprime en créole est une vraie valeur ajoutée à la rubrique. J’ai également utilisé l’IA pour Mbappé, mais pour tous les autres personnages, tout est créé de manière artisanale.
J’ai environ quinze personnages qui incarnent des Réunionnais types, souvent âgés, car je suis attaché aux gramounes. Par exemple, il y a la dame très religieuse, attachée aux icônes et opposée à la jeunesse ou aux réseaux sociaux. Il y a aussi Douvin, un communiste légèrement indépendantiste qui est contre tout ce que fait le gouvernement. Ces personnages interviennent selon les thématiques et l’actualité. Parfois, je suis très inspiré ; d’autres fois, c’est plus compliqué.
Comment préparez-vous vos chroniques ?
La chronique se prépare généralement la veille. Pour cinq minutes de chronique, il faut trois heures d’écriture, de recherche et de créativité. C’est à ce moment que les personnages s’imposent.
Au moment de la chronique, l’invité de Philippe Dornier entre en studio en même temps que moi. Certains écoutent discrètement, tandis que d’autres rient aux éclats et participent. Je pense notamment à Madame la maire de Saint-Denis qui ne boude pas son plaisir et rit franchement. Bien sûr, il y a aussi des invités qui ne font pas vraiment attention à la chronique, jouant avec leur téléphone… C’est un peu désagréable et irrespectueux, mais heureusement, c’est rare. En général, les invités sont bon public, surtout les femmes.
Et puis, Isabelle a un rire contagieux, ce qui aide aussi certains à se lâcher.
Quel est votre secret de longévité ?
J’ai commencé la radio en 1987, sur FR3 Radio à l’époque, devenue ensuite RFO. J’ai aussi fait une chronique qui a duré douze ans sur Antenne Réunion. Pour durer dans ce métier, il faut du travail, de la rigueur et une remise en question permanente. Il faut se cultiver.
Quand je fais intervenir mon personnage "Docteur L’eau Sucré" ou l’avocat, je fais des recherches poussées et utilise un lexique précis pour intégrer des mots techniques. Cela rend le personnage crédible. Il y a un vrai travail scrupuleux avant la validation de mes textes.
Grand Corps Valable, un personnage très récent, que je compte pérenniser me demande quarante minutes de travail pour 30 secondes d’intervention : entre la rédaction du slam, la recherche de la musique pour poser les mots, respecter les règles de construction des textes… C’est exigeant.
Que pensez-vous de l’évolution de l’humour dans la société ?
Je suis dans l’attente d’une relève. J’ai appris mon métier sur le terrain, en animant des événements et en jouant devant tous types de publics. Je me rappelle avoir joué dans une boîte de nuit dans le Sud, derrière un grillage, car le propriétaire m’avait prévenu que sa clientèle avait tendance à lancer des bouteilles ! J’ai tout vu dans ma carrière.
À l’époque, il y avait des opportunités qui n’existent plus aujourd’hui : les fêtes des communes se font rares, les dancing aussi. Maintenant, tout passe par les réseaux sociaux, avec des gags en vidéo. Mais la scène, il n’y en a pas beaucoup. Je suis prêt à aider les jeunes, à condition qu’ils acceptent de travailler avec rigueur, discipline et sérieux pour durer.
Il manque des auteurs. Il y a de très bons interprètes à La Réunion, mais peu d’auteurs. Actuellement, le meilleur, c’est Jean-Laurent Faubourg. Il écrit parfois pour moi et aussi pour Marie-Alice Sinaman.
Un mot pour conclure ?
L’humour, c’est du travail, de la passion, et surtout beaucoup de sincérité. Tant que je pourrai faire rire, je continuerai.