Kenlo Primate « Nous voulons bâtir le cinéma réunionnais ! »

Rédigé le Mardi 30 Novembre 2021 à 13:30 | Lu 1738 fois

Originaire de Sainte-Suzanne, Kenlo Primate se consacrait jusque-là à la chanson avec son groupe Primate NGGZ ainsi qu’à la réalisation de clips vidéo. Depuis peu il s’est tourné également vers le métier d’acteur. Il revient d’ailleurs du Burkina Faso où il a été nominé aux Sotigui d’or du meilleur acteur de la diaspora, pour son interprétation dans le film Zamal Paradise, écrit et réalisé par DKpit. Un long-métrage qui sera distribué en décembre au Cinépalmes.



​VOUS ÉTIEZ CHANTEUR, VOUS ÊTES DÉSORMAIS ÉGALEMENT ACTEUR !

Oui je suis chanteur et réalisateur du groupe Primate NGGZ depuis 2015 avec King Tafari. On cumule le million de vues sur Youtube avec nos clips. Nous faisons du rap en créole et quelques chansons plus commerciales aussi. Le rap a été un exutoire lorsque la vie n’a pas été rose pour moi. Cela m’a permis de canaliser mon énergie dans quelque chose d’artistique. C’est également au travers du jeu d’acteur que j’ai réussi à surmonter certaines épreuves.

​COMMENT VOUS ÊTESVOUS LANCÉ DANS CE PROJET DE LONGMÉTRAGE ?

DKpit avait un projet de longmétrage en tête depuis longtemps et il a pensé à King Tafari et moi-même. Il fallait que l’on s’entraîne au jeu d’acteur afin de répondre aux attentes de DKpit que j’estime beaucoup. Il souhaitait que des jeunes réunionnais puissent interpréter ces rôles dans Zamal Paradise et que les personnages aient de la chair. On a travaillé pendant plusieurs années le jeu d’acteur en s’inspirant grandement des Méthodes de Stanislavski, Lee Strasberg et de Jack Waltzer. Cela nous a permis de forger notre propre méthode que l’on appelle aujourd’hui l’Actor Inferno. L’Agence Film Réunion a aussi fait venir des intervenants issus de l’Actor Studio pour une session de deux semaines qui nous ont beaucoup apporté dans l’apprentissage du métier d’acteur.

​QU’EST-CE QUI VOUS PLAÎT DANS CETTE NOUVELLE DISCIPLINE ?

J’ai appris à mobiliser mes émotions au service d’une oeuvre. Je le faisais déjà en tant que chanteur mais cette fois c’était un film. C’est également un moyen d’expression. Quand on est acteur, on se met à nu face aux spectateurs, à qui on montre nos faiblesses, ce qui nous met en colère et nos émotions sincères. C’est vraiment ce que j’aime faire d’autant que cela faisait partie de mes rêves d’enfant d’être acteur.

​QUEL A ÉTÉ VOTRE MOTEUR ?

Pour un premier film il a fallu comprendre le métier d’acteur. Cela a demandé beaucoup de sacrifices pendant ces trois années d’apprentissage. Il fallait une cause pour pouvoir tenir, et la mienne c’était de me dire qu’on est à La Réunion et qu’on n’a pas de représentation visuelle et cinématographique qui dépeigne la société réunionnaise, qui soit le reflet de ce que j’ai vécu jeune. Offrir à la population un reflet de la société, se voir sur un écran géant, s’exprimer en créole avec les problématiques de ces milieux sociaux, c’était comme un moteur. Le cinéma réunionnais n’existe pas et nous n’avons pas de modèle. C’est intéressant de bâtir les fondations d’un cinéma réunionnais. Avec du travail, de la discipline et en soutenant une vraie cause, on peut être capable de tout. Avec de l’amour pour ce qu’on fait, rien n’est impossible !

​PARLEZ-NOUS DE VOTRE EXPÉRIENCE ZAMAL PARADISE…

C’est un film 100% réunionnais de DKpit produit par Réunion Magma Films Production. Pour moi c’est un honneur de pouvoir travailler avec DKpit que j’admire depuis toujours. Son groupe Futur Crew était vraiment novateur tant dans l’approche musicale qu’artistique et cela m’a toujours inspiré. Avec lui et toute l’équipe technique, j’ai aussi beaucoup appris en matière de réalisation et d’organisation de tournage. DKpit m’a donné beaucoup de clés et grâce au travail, j’arrive à faire honneur à l’enseignement qu’il nous a donné. Dans le film, je tiens un des rôles principaux et mon personnage s’appelle Kenlo: c’est l’histoire de 3 jeunes qui souhaitent faire un album et je suis l’un d’entre eux. Pour avoir le financement de leur projet, ils rentrent en relation avec un dealer qui leur propose de faire une transaction pour lui mais ils perdent la drogue. Suit un road movie pour chercher à le rembourser, un parcours initiatique où ils passent de l’adolescence à l’âge adulte. Ils se rendront compte que c’est le travail qui paye…

​DES NOMINATIONS DANS DE NOMBREUX FESTIVALS DANS LE MONDE, CELA SEMBLE ÊTRE UN PARI RÉUSSI…

Depuis un an le film voyage, il est allé au Mexique mais également aux Etats-Unis, en Turquie, en Inde… Au festival de Flicker’s Rhode Island par exemple, sur 6500 films, il s’est retrouvé en demi-finale. Zamal Paradise a aussi reçu le prix du meilleur film en Turquie ou encore de la meilleure bande originale en Inde! On a hâte que le film sorte dans les salles réunionnaises mi-décembre. Ce sera une première de voir des Réunionnais parler en créole sur un grand écran, à montrer notre vie, nos problèmes.... DKpit vient des Camélias, King Tafari du petit marché à Saint- Denis et moi de Bagatelle… Pour la première fois, les enfants du pays s’expriment librement !

​ET LA CONSÉCRATION AVEC CETTE NOMINATION AUX SOTIGUI AWARDS ?

C’est une énorme surprise d’avoir été nominé aux Sotigui Awards qui rassemble les meilleurs acteurs africains et de la diaspora. Cet événement en partenariat avec le Fespaco, qui est le plus grand festival Africain de catégorie A sert à promouvoir le métier d’acteur. Cette nomination atteste donc de notre crédibilité en tant qu’acteurs. Ils reconnaissent ainsi que La Réunion fait partie de la diaspora Africaine et être rattaché à l’Afrique artistiquement, être nominé aux côtés de grands acteurs africains, c’est une grande fierté pour moi.

​QUELS SONT VOS PROJETS DÉSORMAIS ?

Sur le film, j’étais acteur et premier assistant réalisateur, j’avais deux casquettes, le bonheur pour moi, car je m’intéresse aussi bien à la réalisation qu’à l’acting. Cela me passionne et j’ai envie d’orienter ma vie vers cela : l’acting, la réalisation, la musique, tout ce qui a un rapport avec l’artistique. Avec DKpit et King Tafari, on est à la fois des rêveurs et des guerriers. On travaille, on veut continuer à faire des oeuvres, on ne sait pas comment ça va être décliné encore (en série ou en film) mais c’est en écriture. Et avec le groupe Primate NGGZ, King Tafari et moi-même sortons prochainement notre album « Primitif ». Une année 2022 qui démarre bien !

Propos recueillis par Laetitia Parsi


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