CE QUE LES PARENTS TRANSMETTENT AUX ENFANTS VA BIEN AU-DELÀ DES GÈNES.
Il ne façonne pas seulement les personnalités ou l’ambiance familiale: le vécu se transmet aussi de génération en génération, de façon toute biologique, via des mécanismes dits épigénétiques. Une découverte incroyable qui a bouleversé notre vision de l’hérédité. La vie n’est pas un long fleuve tranquille. C’est vrai de la nôtre, semée d’embûches, de drames, d’événements heureux ou moins heureux. C’est vrai aussi de celle de nos parents. Et de leurs parents avant eux. Or, on sait depuis une vingtaine d’années que ce vécu peut se transmettre d’une génération à l’autre !
Ce qui est arrivé à nos ancêtres se retrouve tapi au plus profond de nous, sans que nous nous en doutions. Ce qui les a marqués nous marque aussi. Une étude portant sur la famine qui a affecté les Pays-Bas au cours de l’hiver 1944-1945, sous l’occupation allemande, a canonisé cette hérédité épigénétique. Du fait de la privation de nourriture, les femmes en fin de grossesse à cette période ont donné naissance à des bébés plus petits que la moyenne et ayant plus de risque, adultes, d’être atteints de diabète ou d’obésité. Rien d’étonnant à cela. La surprise est venue plus tard : lorsque ces «bébés de la faim» ont à leur tour donné naissance à des enfants. Or, ceux-ci étaient atteints dans des proportions anormales de diabète, voire de rachitisme, alors que leurs parents n’avaient jamais souffert de malnutrition ! La santé de ces enfants pâtissait du fait que leur grand-mère avait souffert de la faim ! Ce traumatisme s’était ajouté au génome de la lignée. Et ce n’est pas le seul exemple.
Ce qui est arrivé à nos ancêtres se retrouve tapi au plus profond de nous, sans que nous nous en doutions. Ce qui les a marqués nous marque aussi. Une étude portant sur la famine qui a affecté les Pays-Bas au cours de l’hiver 1944-1945, sous l’occupation allemande, a canonisé cette hérédité épigénétique. Du fait de la privation de nourriture, les femmes en fin de grossesse à cette période ont donné naissance à des bébés plus petits que la moyenne et ayant plus de risque, adultes, d’être atteints de diabète ou d’obésité. Rien d’étonnant à cela. La surprise est venue plus tard : lorsque ces «bébés de la faim» ont à leur tour donné naissance à des enfants. Or, ceux-ci étaient atteints dans des proportions anormales de diabète, voire de rachitisme, alors que leurs parents n’avaient jamais souffert de malnutrition ! La santé de ces enfants pâtissait du fait que leur grand-mère avait souffert de la faim ! Ce traumatisme s’était ajouté au génome de la lignée. Et ce n’est pas le seul exemple.
LA THÉORIE DE L’ÉVOLUTION REVISITÉE
En 2013, des chercheurs ont appris à des souris à craindre l’odeur de l’acétophénone (qui évoque l’amande). A chaque fois que cette odeur planait, elles recevaient une décharge électrique. Or les descendants de ces souris, jusqu’à la troisième génération, se sont révélés eux aussi nerveux en présence d’acétophénone, bien qu’ils n’y aient jamais été exposés. Des résultats qui suggèrent que les peurs peuvent se transmettre... biologiquement. Depuis quinze ans, ces curieuses découvertes se multiplient. Et si elles affolent la communauté scientifique, c’est qu’elles obligent à repenser ce qui fonde notre identité. Nos aïeux ne nous transmettent pas que des gènes ; leurs conditions de vie entrent désormais dans l’équation. Leur vécu semble bel et bien s’inscrire, d’une façon ou d’une autre, au cœur des cellules. De quoi se demander si la théorie de Jean-Baptiste de Lamarck sur l’hérédité des caractères acquis n’a pas été balayée un peu vite, au XIXe siècle : « Aujourd’hui, il paraît évident que la théorie de Lamarck est plausible. La transmission de l’influence de l’environnement sur plusieurs générations est indéniable, affirme Isabelle Mansuy, professeure en cognition moléculaire à l’université de Zurich. La vision que l’on avait de l’hérédité, reposant uniquement sur les gènes, était tout simplement fausse. »
DES INTERRUPTEURS DE GÈNES
Reste une question : quelles sont les bases moléculaires de cette transmission ? Ici, les scientifiques parlent de marques épigénétiques. Pour mieux comprendre, on peut comparer les gènes aux notes d’un morceau de musique et les marques épigénétiques aux indications ajoutées sur la partition, qui imposent de jouer certaines notes plus ou moins fort, de changer de rythme, etc. Plus concrètement, il s’agit d’éléments qui s’accrochent à la molécule d’ADN ou modifient son degré de compaction, la rendant ainsi plus ou moins accessible aux enzymes qui déchiffrent le génome. Comme autant de petits interrupteurs, ces marques épigénétiques activent certains gènes, en réduisent d’autres au silence et permettent de moduler finement leur activité. Longtemps, les scientifiques ont cru que ces traces laissées par les épreuves de la vie étaient effacées lors de la formation des gamètes (les ovocytes et les spermatozoïdes) et au moment de la fécondation, la division cellulaire «diluant» les marques épigénétiques. L’embryon subirait ainsi un nettoyage complet, une remise à zéro lui permettant d’écrire sa propre vie sur une page blanche. Mais il semble, aujourd’hui, que tout ne soit pas effacé...
UNE EXPLICATION POUR LA DÉPRESSION
Quels que soient les mécanismes sous-jacents, une brèche s’est ouverte dans le tout-génétique et les conséquences sont de taille, y compris pour la santé. Des études menées chez la souris ont montré que des traumatismes psychologiques pouvaient entraîner des troubles du comportement chez les souriceaux deux générations plus tard. Or, si vos grands-parents ont vécu des traumatismes et que vous en subissez les conséquences, cela peut bouleverser la façon dont on aborde certaines maladies, comme la dépression. Attention cependant à ne pas accuser l’épigénétique de tous nos maux ! Lorsque ces souris traumatisées étaient placées dans un environnement enrichi (avec des jouets, des interactions sociales...), leurs symptômes s’estompaient, chez elles comme chez leur descendance ! Pas plus que le génome, l’épigénétique ne constitue une prophétie inéluctable.